sábado, 26 de mayo de 2012

Quand l’opposition au monopole capitaliste devient "délit de rébellion" : Les prisonniers politiques en Colombie entre torture et invisibilisation

Quand l’opposition au monopole capitaliste devient "délit de rébellion" : Les prisonniers politiques en Colombie entre torture et invisibilisation 

Par Azalea Robles, traduction Pascale Cognet

En Colombie, des milliers d’hommes et de femmes sont condamnés pour « délit de rébellion » -inscrit dans le  code pénal - et  aussi condamnés en vertu de son extension  plus arbitraire, le crime  de « terrorisme » [1], une catégorie qui englobe tout ce qui peut gêner l’État colombien et le grand capital d’un pays spolié qui tente d’étouffer le mécontentement social par l’extermination et l’incarcération.

Sur les 9500 prisonniers politiques  de  l’État colombien, on estime que près de 90%  sont des civils incarcérés  à cause de leur  activité politique, leur pensée critique et leur opposition  aux politiques  de destruction  de l’environnement : syndicalistes, défenseurs de l’environnement, enseignants,  dirigeants paysans, universitaires critiques, avocats, médecins, défenseurs des droits humains…même les artistes font l’objet de persécutions politiques. Les montages judiciaires avec des témoins payés et des preuves falsifiées  sorties « d’ordinateurs magiques » , sont manigancés de façon systématique contre les victimes de persécutions : les agissements illégaux de l’establishment  militaire et de ses témoins  préparés dans les bureaux de l’armée [2] sont  avalisés par l’appareil judiciaire de façon scandaleuse tout   en s’articulant avec des lois criminalisant la protestation : l’appareil judiciaire est utilisé comme arme de guerre contre la population, afin de démanteler l’organisation sociale et empêcher toute pensée critique.

Par ailleurs, tout le monde sait qu’en Colombie un conflit social, politique et armé fait rage et que,  dans ce cadre, les insurgés capturés par l’État sont des prisonniers politiques de guerre, parce que leurs revendications sont éminemment politiques et parce qu’il y a une guerre. Mais l’État colombien essaie de cacher le soleil avec un doigt.  

L’existence de milliers de prisonniers politiques est la preuve tangible de la réalité d’une guerre répressive déclenchée par l’État colombien contre la revendication sociale ; par conséquent l’exigence de liberté pour les prisonniers politiques est la colonne vertébrale  de la construction d’une véritable paix  avec justice sociale.


En Colombie, l’expression du capitalisme est à son paroxysme : la terreur  corrélative au pillage des ressources au bénéfice du grand capital s’applique de la façon la plus dure  contre la population, avec pour objectif le déplacement d’un nombre  énorme  de personnes des zones convoitées et l’élimination  des revendications. On compte plus de 5,4 millions de personnes spoliées de leurs biens et déplacées de leurs terres. Les multinationales et les latifundiaires  accaparent les terres volées et légalisent actuellement les titres de propriété sur la base  d’artifices astucieux  favorisés par la loi de Santos  relative à la terre qui  légalise les spoliations,  comme le dénoncent  si  bien  les communautés. Au moment où  le capitalisme mondial approfondit  à l’extrême les contradictions  entre l’accumulation  capitaliste et la survie de l’espèce, les stratégies répressives menées en Colombie sont également destinées à être appliquées dans la région, ce qui donne une raison supplémentaire-en dehors des raisons éthiques- pour  se solidariser avec le peuple colombien.

TORTURES : l’assassinat de proches comme forme de torture*

Il y a beaucoup à dénoncer sur  les tortures. Les aberrations  commises contre les prisonniers politiques se surpassent dans l’horreur  et sont perpétrées sous couvert d’ostracisme et d’invisibilisation* : c’est pour cela que la solidarité avec les prisonniers  politiques doit être envisagée comme une priorité sociale. Il y a des prisonniers qui passent  des années reclus dans des cachots [3],  avec  passages à tabac, humiliations, tortures physiques et psychologiques ; certains prisonniers sont conduits à la mort parce qu’on leur refuse l’assistance médicale [4], il y a des prisonniers aveugles et sans bras, amputés, des malades en phase terminale qui subissent une torture permanente parce qu’on leur refuse même les traitements contre la douleur et qu’on les enferme dans des blocs bourrés de paramilitaires alors qu’ils sont totalement  sans défense. Le cas du prisonnier politique Oscar Elias Tordecilla est particulièrement révélateur, il a les deux bras amputés, en plus d’être devenu aveugle faute d’assistance médicale indispensable, il a été emprisonné dans un état limite, placé intentionnellement  dans un centre pénitencier  sans prisonniers politiques, dans un pavillon rempli de paramilitaires  en violation de la règlementation de la médecine légale et du droit humanitaire  international[5]. Il y a aussi plusieurs  prisonniers politiques et de guerre qui ont vécu l’assassinat de leurs proches parce qu’ils ont  refusé de jouer le rôle de faux « témoins » pour la police  dans des montages judiciaires contre des leaders paysans, syndicalistes et militants d’organisations sociales. Le cas du prisonnier politique Carlos Iván Orjuela illustre ce drame.  Carlos Iván  a  subi des pressions de la part de la section de la police judiciaire et d’enquête (SIJIN) pour qu’il témoigne contre des leaders paysans du Magdalena Medio (département colombien). Devant son refus de collaborer à des montages judiciaires, la police a fait disparaître et assassiner son frère cadet, puis avec un montage judiciaire a emprisonné une  proche  qui s’occupait de son fils tout en menaçant d’assassiner aussi l’enfant  de six ans. Le Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques dénonce :
« il a été mis sous pression pour collaborer, sinon il le paierait cher’(…) l’agent de la SIJIN Juan Carlos  Torres a proféré des menaces de montages judiciaires à l’encontre de sa famille et a menacé directement son fils  en disant  que « bientôt la nuit allait tomber mais le jour n’allait plus se lever» pour lui. Il lui donna un délai pour qu’il devienne un  des si nombreux témoins à solde qui grouillent dans le système judiciaire colombien ».[6] Aux  menaces ont succédé des crimes plus graves: «  la disparition forcée et l’homicide du frère cadet du prisonnier politique (..) La capture  de María Yolanda Cañón, proche chargée de s’occuper de son fils. Le prisonnier politique a entrepris d’appeler sur le portable de María Yolanda, mais ce fut l’agent de la SIJIN Celis Torres qui répondit, en se moquant de lui et en le prévenant que s’il persistait à refuser de collaborer  ils continueraient (…),  textuellement :’je vous ai dit de collaborer et vous n’avez pas voulu collaborer et alors le parquet avait déjà  un petit paquet ([un dossier monté de toutes pièces, NdT] et c’est moi qui ai eu la tâche de la capturer et d’ailleurs j’ai en réserve d’autres  petits paquets» Le CSPP ( Comité de solidarité avec lesprisonniers politiquesdénonce les « agissements illégaux et vengeurs des membres de la police judiciaire pour obtenir des « résultats » au mépris  des droits humains  et du droit humanitaire  international. Pratiques s’inscrivant dans une politique qui a eu pour résultat  les exécutions extrajudiciaires connues sous le nom de «faux positifs» et la judiciarisation massive d’une  population  civile innocente, arrêtée au cours des fameuses «rafles massives»..



NOTES:
Ce texte bref est une modeste contribution –à la demande des lecteurs- sur la thématique des prisonniers politiques en Colombie ; je recommande aux lecteurs de lire mon enquête sur ce thème, qui est en 5 parties, dont 4 ont déjà été publiées à la date du 16 mai 2012. La cinquième partie est une enquête plus approfondie sur la torture dans les prisons colombiennes et sera publiée  en juin 2012. Une traduction française de ce dossier est en cours.

Les parties déjà publiées au 20 mai 2012 de ce dossier sont (disponibles en español et prochaînement disponibles en français) :

Dossier : La Colombie et ses milliers de prisonniers politiques réduits au silence

           



V-    A paraître, enquête approfondie sur la torture dans les prisons colombiennes     
   
[1] Des milliers d’hommes de femmes condamnés pour « délit de rébellion » : »(…) Existence du délit politique qui est reconnu également par la législation pénale colombienne, la Constitution Nationale et les traités internationaux ratifiés par l’État colombien. Nous ne comprenons pas comment les représentants de l’établissement prétendent ignorer la réalité que  vit le pays, et la législation nationale et internationale qu’ils disent défendre. »http://www.traspaslosmuros.net/node/748
Rapport Perspective en point de fuite : « La stratégie utilisée contre les prisonniers politiques consiste à les juger pour rébellion et à y ajouter les charges de terrorisme, narcotrafic  et association criminelle à buts terroristes dans l’objectif clair de leur enlever le statut politique, y compris en facilitant leur extradition. »http://issuu.com/traspasalosmuros/docs/traspasalosmuros
(2)L’avocat défenseur du journaliste Joaquín  Pérez Becerra  lance un appel à la solidarité, à quelques jours du procès politique.
« Les informateurs payés par l’État sont  instruits dans les bureaux du renseignement militaire » http://www.rebelion.org/noticia.php?id144172
(3) « Il est de notoriété publique que nous  les prisonniers politiques et de guerre, et en général  la population carcérale, qui s’élève à plus de 130.000 personnes, nous vivons dans des conditions  infrahumaines et on bafoue constamment nos droits humains, les procès auxquels nous avons droit, le droit à la santé, la dignité humaine, etc…Quasi systématiquement, nous sommes confinés dans des centres de réclusions éloignés de nos familles, on nous isole dans des blocs punitifs, on nous condamne à une vie de torture et dans la pratique on nous impose des chaînes permanentes, comme c’est le cas pour le camarade Jorge Augusto BERNAL, membres des FARC-EP, fait prisonnier par l’État il y a 17 ans, il est resté  au cachot pendant  8 années, dont  4  dans la prison de La Tramacúa de Valledupar, sans eau, avec  des températures de 40 °, sans accès aux soins médicaux(…) C’est un  cas parmi tant d’autres  prisonniers politiques qui ont été condamnés à de véritables  perpétuités avec des peines allant de 40 à  6O années  et plus. On  voit aussi des cas de torture, comme c’est  le cas du camarade Diomedes  Meneses CARVAJALINO, en chaise roulante, paraplégique suite aux tortures, et qui, même s’il remplissait  les conditions exigées  pour la remise en liberté conditionnelle, se l’est vu refuser  illégalement(…) Face à l’isolement et aux punitions, et après des processus de déroutement moral, on nous incite à nous démobiliser et à renier nos principes et notre organisation, comme c’est le cas pour  le camarade Bernardo Mosquera  MACHADO , emprisonné dans un cachot, avec des  problèmes respiratoires et cardiaques, âgé de 67 ans, et face à ses problèmes l’unique réponse donnée par l’INPEC (Instituto Nacional  Penitenciario y Carcelario :Institut National Pénitentiaire et Carcéral) et le gouvernement a été une visite au cours de laquelle des délégués du gouvernement l’ont encouragé à se démobiliser et à trahir sa cause, en échange de quelques bénéfices juridiques.(…)C’est  sur ces cas parmi tant d’autres que les autorités responsables de la protection des droits humains et les organisations de la communauté nationale et internationale doivent  mener  des investigations. » http://www.traspasalosmuros.net/node/748
[4] Prisons dans lesquelles décèdent à une fréquence scandaleuse les prisonniers  politiques et de guerre. Mars 2012 : Des prisonniers politiques à qui on a diagnostiqué un cancer ne reçoivent toujours pas de soins médicaux : http://www.comitedesolidaridad.com/index.php?option=com_content&view=article&id=681:fcspp&catid=32:acciones-urgentes&Itemid=68
Témoignage de la fille d’Arcesio Lemus, prisonnier politique assassiné par l’Etat en 2010 ; Les prisonniers politiques sont  torturés et  de fait condamnés à mort, par refus d’assistance médicale. http://www. rebelion .org/noticia.php ?id=145983
Janvier 2012 : « Les cas d’assassinats de prisonniers  politiques sont en augmentation »http://rebelion.org/noticia.php ?id=143800
« La peine de mort n’a pas été adoptée pour que l’INPEC nous l’applique aussi lentement et de façon si douloureuse » Un autre prisonnier décède dans une prison colombienne par refus d’assistance médicale, janvier 2012 :http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=142756
Avril 2011 : Des prisonniers politiques  décèdent  par refus d’assistance médicale :http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=127100
Vidéo témoignage de torture, Diomedes Meneses : http://blip.tv/cocalo/diomedes-3393961
[5]  Le prisonnier politique, Oscar Elías Tordecilla, amputés des deux bras, en plus devenu aveugle  par refus d’assistance médicale nécessaire, et emprisonné dans une situation extrême, placé intentionnellement dans un centre pénitencier sans prisonniers politiques, avec des paramilitaires, en violation de la réglementation de la Médecine légale et du DIH. Bien qu’un juge ait demandé  l’assignation à résidence, le prisonnier politique Oscar Elias Tordecilla non voyant et amputés des deux bras, est toujours emprisonné dans une situation extrême. http://www.rebelion.org/noticia.php?id=105346
[6] Les crimes d’État contre les proches sont utilisés comme moyen de torture et de chantage contre les prisonniers politiques, si les prisonniers n’acceptent pas de devenir des informateurs, ou pour passer sous silence les dénonciations. On assassine le frère aîné du prisonnier politique Carlos Iván Peña Orjuela  et la police menace son fils âgé de 6 ans.http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=102342
« L’agent  de la SIJIN Juan Carlos Celis Torres a proféré des menaces de montages judiciaires contre sa famille et a menacé directement son fils(…)  Il lui a donné un délai pour devenir un témoin à solde parmi tant d’autres de ceux qui grouillent dans le système judiciaire colombien » Après les menaces : « la disparition forcée et l’homicide du frère cadet du détenu politique(…) la capture de María Yolanda Cañón, proche en charge de son fils ».
L’enfant Alida Teresa, fille de prisonnier politique, violée et assassinée par des paramilitaires, en toute impunité en 2012
http://www.kaosenlared.net/noticia/desaparicion-familiares-tortura-contra-presos-politicos-alto-estado-ge En liberté, cinq paysans de Santander et la  parente de Carlos Iván Peña Orjuela, Yolanda  Cañón, victimes de montage judiciaire : ils ont passé 7 mois en prison avec des faux témoins, les uns pour leur activité dans l’organisation paysanne, et Yolanda Cañón  comme moyen de représailles contre le prisonnier politique Peña Orjuela à cause de son refus de jouer le rôle de faux témoin dans les montages judiciaires de la police SIJIN.http://www.sinaltrainal.org/index.php?option=com_content&task=view&id=1969&Itemid=48
Octobre 2011 les prisonniers politiques de Palogordo en grève de la faim  ont exigé l’assistance médicale pour le prisonnier politique Peña Orjuela http://www.sinaltrainal.org/index.php?option=com_content&task=view&id=1969&Itemid=48

Traduit par Pascale Cognet, La Pluma et Tlaxcala 

viernes, 13 de enero de 2012

Collectif pour la paix et la justice sociale

La Colombie dans un bain de sang après un an de Santos: les chiffres de la terreur

Colectivo por la paz con justicia social 
Traducido por  Alain Caillat-Grenier
Editado por  Philippe Cazal



Combien de douleur, de larmes, de spoliations, de disparitions, de prisonniers politiques et de tortures, faudra-t-il encore endurer pour que le monde cesse de se faire le complice du régime colombien? Les chiffres des assassinés, torturés, emprisonnés et disparus ; les lois qui assurent l'impunité de l'appareil paramilitaire, la soumission aux multinationales et les spoliations ininterrompues, démontrent clairement les intentions génocidaires du gouvernement.
Un peu plus d'une année après l'arrivée au pouvoir de l'actuel président de Colombie, Juan Manuel Santos, nous faisons un bref constat de la situation dramatique des droits de l'homme sous son gouvernement. Les violations des droits de l'homme sont en constante augmentation, de même que l'agression systématique de la population par les instruments légaux (force publique) et illégaux (organisation paramilitaire).
Depuis le 7 août 2010 ont été impunément assassinés 36 défenseurs des droits de l'homme, 18 leaders agricoles qui exigeaient la restitution des terres enlevées par la violence aux paysans et 28 syndicalistes (1), tandis que des milliers d'autres ont été menacés de mort. Des dizaines d'opposants politiques sont également morts assassinés ou portés disparus, qu'ils aient été affiliés à des partis de gauche ou qu'ils aient appartenu à des organisations communautaires, à des mouvements porteurs de revendications touchant au social, à l'habitat, à des organisations étudiantes, etc.
Les militants du Parti Communiste et ceux du Pôle Démocratique se font tuer : le PDA a déclaré que dans les 90 premiers jours du gouvernement de Santos, 50 opposants politiques ont été assassinés et que l'extermination se poursuit. (2)
Les membres de 12 compagnies de théâtre de Bogotá ont été menacés de mort s'ils ne cessaient pas de faire du théâtre social : ces menaces sont proférées par l'appareil paramilitaire qui leur a fait savoir qu'il les achèverait "un par un" car, selon cet instrument de la terreur étatique, agissant dans l'ombre de l'illégalité et avec le consentement total de la force publique, les gens de théâtre et les artistes "veulent s'ériger en défenseurs des droits de l'homme et (3) s'opposent à la politique de notre gouvernement".
"En Colombie, même nous, les marionnettes, sommes signalées comme terroristes !"
La persécution des étudiants s'accroît, et au lendemain des gigantesques manifestations estudiantines contre la privatisation, les universités du pays ont été tapissées de menaces de mort contre les étudiants, dans lesquelles les paramilitaires précisent qu'ils les assassineront (4) "un par un, liste en main". Ces menaces ont été peintes sous le nez des rectorats et des autorités : la répression contre les étudiants a déjà coûté la vie à nombre d'entre eux, depuis l'arrivée de Santos au pouvoir.
Les dramatiques déplacements forcés de personnes s'amplifient et il y a de fortes probabilités que les communautés vivant dans les zones convoitées par les multinationales soient déplacées, comme celle de Marmato, dont le curé a été assassiné le 1er septembre 2011 parce qu'il était à la tête de l'opposition à la multinationale aurifère Medoro, qui fait pression sur la communauté depuis 2009. La multinationale canadienne Medoro Resources, fusionnée avec la Gran Colombia Gold, a mis en place un énorme projet d'exploitation de l'or à ciel ouvert, ce qui implique la disparition du village de Marmato et le déplacement de toute sa population. Le prêtre de Marmato avait dénoncé, peu de jours avant son assassinat, les pressions exercées sur lui par la multinationale afin qu'il déplace sa paroisse : "il avait déclaré, peu de jours avant d'être assassiné, que son opposition au développement d'un important projet d'extraction d'or dans sa paroisse pourrait lui coûter la vie" (5).
La disparition forcée de personnes est en augmentation. Les meurtres de civils par les militaires, comme les mal nommés "falsos positivos" se poursuivent, avec au moins 29 nouveaux cas documentés l'année dernière. Les emprisonnements d'opposants et de défenseurs des Droits de l'Homme, victimes des montages judiciaires de l'Etat, se multiplient. La situation est dramatique dans les prisons où pourrissent littéralement des milliers de prisonniers politiques, qui subissent des conditions aberrantes de réclusion et des tortures réitérées, comme l'OMCT (Organisation mondiale contre la torture) le dénonce. Depuis le début de 2011, 7 prisonniers politiques (6) sont décédés à la suite de tortures et du refus d'une aide médicale.
Le rapport d'août 2011 de la Coalition colombienne contre la torture précise que celle-ci s'étend à toute la population colombienne et que l'État en est directement responsable à 91 % ; la torture par violence sexuelle est une pratique qui se développe dramatiquement, y compris à l'égard des enfants, garçons et filles: "Dans les 107 cas dans lesquels on a pu identifier l'auteur du crime de violence sexuelle, il s'est avéré que les agents de l'État étaient responsables de 98,14 % d'entre eux." (7).
Le régime colombien détient le "record" de prisonniers politiques, avec plus de 9 500 prisonniers politiques, dont 90 % sont des civils. Des rapports récents soulignent que le chiffre de 7 500 détenus politiques, bien qu'il soit déjà scandaleux, serait sous-évalué, car étant donné l'augmentation des emprisonnements arbitraires ces dernières années, les chiffres atteindraient 9 500 détenus politiques, rendus totalement invisibles.
Les atteintes aux droits de l'homme se multiplient, avec la poursuite de la stratégie paramilitaire de l'Etat et des multinationales : il s'agit de groupes narco-paramilitaires dont l'existence est niée devant les caméras par le gouvernement -qui, par un subterfuge, les rebaptise "bandes criminelles émergentes" (BACRIM)- tandis que ces groupes poursuivent, en collusion avec la force publique, leur pratique criminelle dans tout le pays et profitent des nouvelles lois d'impunité, récemment promulguées par le gouvernement Santos.

Quelques chiffres du terrorisme d'Etat en Colombie
Les militaires colombiens sont les mieux armés du monde par les USA, avec Israël et l'Égypte : une armée génocidaire, celle-là même qui derrière le bataillon de la Fuerza Omega del Plan Colombia, possède la plus grande fosse commune du continent, avec 2000 cadavres de disparus. (8)
Pour justifier ses gigantesques budgets, l'armée colombienne pratique le meurtre de civils et, en ayant recours à de macabres montages militaro-médiatiques, elle présente ensuite les cadavres comme des "guérilleros abattus au cours d'un combat". Ces "faux positifs" (voir NDT), sont choisis dans la population rurale ou dans celle des quartiers périphériques les plus pauvres, mais on trouve également parmi eux des syndicalistes et des opposants. Il y a au moins 3 200 cas documentés de ces meurtres de civils ; l'impunité représente 99 % des auteurs matériels et 100 % des auteurs intellectuels de cette pratique (9).
60 % des syndicalistes assassinés dans le monde le sont en Colombie, par la force publique ou l'organisation paramilitaire des multinationales et de l'Etat. (voir1)
Le crime d'Etat par la disparition forcée est un autre terrible "record" de la "démocratie" colombienne, qui surpasse les chiffres de torture et de disparition forcée des dictatures du Cône Sud : l'ONU reconnaît au moins 57 200 disparus, la Commission de Recherche a chiffré à 62 000 les disparus (août 2011), les victimes réclament environ 250 000 personnes disparues : dans les trois dernières années, les organes de répression de l'Etat colombien ont fait disparaître 38 255 personnes (Rapport de la Médecine Légale). (11)
La Colombie est le pays avec le plus de déplacés au monde : 5,2 millions de personnes déplacées de manière violente par les forces paramilitaires et leurs massacres (Asentamiento Jardín Oasis, quartier de peuplement de déplacés à Medellin, Manrique Oriental, Colombie, 1999)
La Colombie est le pays dans lequel il y a le plus de déplacés au monde, avec le Soudan : 5,2 millions de personnes déplacées de force (12) par l'organisation paramilitaire et ses massacres, dans le but d'offrir les terres ainsi "libérées" à la grande propriété rurale et aux multinationales : 40 % du territoire colombien est demandé en concession par des multinationales minières. (13)
Pendant que l'opposition et la pensée critique se font massacrer, l'impunité des organes de répression génocidaires dépasse l'imaginable : récemment le gouvernement de Juan Manuel Santos a voté une loi qui gracie plus de 31 000 paramilitaires (Loi 1424) (14).
Notes
  1. Colombie, le pays le plus dangereux du monde pour les syndicalistes, déjà 27 syndicalistes assassinés sous la présidence Santos.http://www.rebelion.org/noticia.php?id=133818&titular=el-pa%EDs-m%E1s-peligroso-del-mundo-para-los-sindicalistas
    Le 3 septembre 2011 Jorge Alberto Durante, dirigeant syndical et membre du parti d'opposition PDA, a été assassiné à Carepa, Antioquia.
    http://www.radiocafestereo.nu/index.php?option=com_content&view=article&id=3082:asesinado-en-carepa-el-dirigente-sindical-jorge-alberto-durante&catid=54:what-ails-you&Itemid=411
  2. Le PDA informe que dans les 90 premiers jours du gouvernement de Santos 50 opposants politiques ont été assassinés et il dénonce une politique de liquidation (2).
    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=135250&titular=en-antioquia-los-dirigentes-del-polo-est%E1n-siendo-exterminados-
  3. Les membres de 12 compagnies de théâtre de Bogotá ont été menacés de mort ; les menaces proviennent de l'appareil paramilitaire, lequel fait savoir qu'il fera en sorte de les “exterminer un à un” car “ ils s'opposent à la politique de notre gouvernement”
    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=135017&titular=paramilitares-contra-el-teatro-
  4. Important risque de déplacement des communautés vivant dans des zones convoitées par les multinationales, comme celle de Marmato, dont le curé a été assassiné le 1er septembre 2011 parce qu'il était à la tête de l'opposition au grand projet d'extraction d'or de la multinationale Medoro.
    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=135091&titular=asesinan-a-balazos-al-sacerdote-de-marmato-que-apoyaba-la-lucha-contra-la-minera-gran-Vidéo documentaire "Marmato, une crèche d'or qui crie"
    http://www.youtube.com/watch?v=FuEboyypwV4
    VIDÉO Noticias UNO L'assassinat du curé de Marmato cause un traumatisme
    http://www.youtube.com/watch?v=4u8ERxAaR9Y&feature=player_embedded
    http://www.noticiasuno.com/noticias/asesinato-de-cura-de-marmato-causa-conmocin-.html
    http://www.kaosenlared.net/noticia/video-marmato-llora-oro-campesinos-ecologistas-asesinados-para-perpetr
  5. Situation dramatique dans les prisons où pourrissent littéralement des milliers de prisonniers politiques, qui subissent des conditions aberrantes de réclusion et de tortures réitérées. Depuis le début 2011, 7 prisonniers politiques (6) sont décédés après avoir été torturés et s'être vu refuser une aide médicale.
    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=135011&titular=se-suicida-un-prisionero-en-valledupar-por-no-reconocerle-el-traslado-cerca-de-su-familia-
  6. Rapport de la Coalition Contre la Torture, d'août 2011: la torture de la violence sexuelle, une pratique qui se développe de manière dramatique y compris à l'encontre des enfants, filles et garçons: "Sur 107 cas pour lesquels on a pu identifier l'auteur du crime de violence sexuelle, on a constaté que, dans 98,14 % d'entre eux, les agents de l'État étaient impliqués." http://www.rebelion.org/noticia.php?id=134422&titular=1.834-torturas-fueron-documentadas-entre-2001-y-2009.-el-estado-es-responsable-del-90-por-
  7. Une fosse commune avec 200 cadavres, derrière le Bataillon militaire de la Macarena, Meta:http://www.rebelion.org/noticia.php?id=99507
  8. En mai 2011 le CINEP a publié un rapport dans lequel il met en évidence que les meurtres de civils aux mains de militaires, loin de diminuer, ont augmenté sous la présidence de Santos. Un rapport spécial Faux Positifs 2010 (Cinep) affirme que les victimes de meurtres de civils par des militaires ont augmenté.
    http://www.es.lapluma.net/index.php?option=com_content&view=article&id=1981:el-cinep-afirma-que-aumentaron-victimas-de-asesinatos-de-civiles-a-manos-de-militares-mas-falsos-positivos-&catid=103:violacion-de-dh&Itemid=447
  9. Prisonniers politiques:        http://www.rebelion.org/noticia.php?id=129835
  10. Disparitions forcées, Crimes d'Etat de dimensions dantesques en Colombie:http://www.rebelion.org/noticia.php?id=129256
  11. Déplacements forcés: dans son rapport de novembre 2010, CODHES chiffre le nombre des personnes déplacées à 5,2 millions.
  12. Le Gouvernement privilégie les multinationales minières au détriment de l'environnement et des communautés http://www.rebelion.org/noticia.php?id=132682
    Documentairs Colombia's gold rush: http://www.youtube.com/watch?v=yCpYf8B1vYs&feature=player_embedded#at=161
    Passage de la VIDÉO d'Al Jazeera avec une traduction en espagnol: http://www.youtube.com/watch?v=XsU7QubxDDM&feature=player_embedded
    Sur les 35 000 paramilitaires "démobilisés", seuls 4 ont été condamnés: après 6 ans d'impunité terrifiante cette loi sonne le glas des réformes de la Loi de "Justice et Paix" de 2005. (visant à la démobilisation des groupes paramilitaires et la condamnation des délits les plus graves… NdT)
    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=133850&titular=suenan-reformas-a-la-ley-%22de-justicia-y-paz%22-de-2005-tras-6-a%F1os-de-
    NDT: "Falsos positivos" : pratique de l'armée colombienne, qui consiste à enlever des jeunes hommes, à les assassiner, puis à les revêtir d'un uniforme, pour les faire passer pour des rebelles abattus au combat. Cette pratique macabre a pour but de démontrer la pseudo-efficacité de l'armée et de justifier ainsi les sommes colossales qui y sont investies.
    http://www.youtube.com/watch?v=ZBXbRgGSDzM




Gracias a: La Pluma
Fuente: http://www.es.lapluma.net/index.php?option=com_content&view=article&id=2613:colombia-banada-en-sangre-a-un-ano-de-santos-cifras-del-terror&catid=90:impunidad&Itemid=422
Fecha de publicación del artículo original: 17/09/2011
URL de esta página en Tlaxcala: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=5935 

domingo, 8 de enero de 2012

La pensée critique et la lutte sociale, ne sont pas du "terrorisme" Colombie : Miguel Ángel Beltrán est libre, il reste 9.500 prisonniers politiques

La pensée critique et la lutte sociale, ne sont pas du "terrorisme"
Colombie : Miguel Ángel Beltrán est libre, il reste 9.500* prisonniers politiques


Azalea Robles 
Traducido por  Alain Caillat-Grenier

*9.500 prisonniers politiques, chiffres 2012




Après plus de 2 ans d'emprisonnement sur la base d'un montage judiciaire grossier, de persécution et de menaces de mort à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire, ainsi que des filatures et menaces à l'encontre de sa famille, de ses amis et avocats, Miguel Beltrán, universitaire, sociologue et historien, qui fut séquestré au Mexique et remis à la Colombie, où l'attendaient 2 années d'un procès kafkaïen, sort libre.



 Deux ans de lutte contre la judiciarisation de la pensée critique: parce que penser est passible de poursuite, comme si cela constituait un délit en Colombie. C'est ainsi que l'exprime Miguel Ángel Beltrán:
"Je considère que l'attitude qui consiste à taxer de guérillero celui qui étudie la réalité sociale avec une loupe, est le propre d'un État qui poursuit et criminalise tous ceux qui pensent différemment. C'est précisément ce qui m'est arrivé et c'est pour cela même que mes écrits universitaires ont été utilisés comme preuve pour m'accuser de délit de rébellion, ce qui constitue clairement une persécution de la pensée critique. L'intention du régime de me priver de la liberté, bien que depuis longtemps l'illégalité des preuves ait été établie, est d'envoyer un message clair aux universitaires critiques et à l'université publique en général: "abstenez-vous d'étudier le conflit social et armé dans une perspective différente de l'officielle. Car voyez ce qui peut vous arriver. Gardez-vous de penser critiquement". Et cela, sans aucun doute, a fonctionné dans certains secteurs universitaires, qui se sont réfugiés dans le silence." (1).
Certains hommes sont comme les arbres: leur pensée donne vie et fleurit en pleine lumière…
Ces hommes sont emprisonnés par ceux qui entretiennent l'obscurantisme.
Miguel Ángel Beltrán, sociologue, prisonnier politique de l'État Colombien.
Colombie: 7 500 prisonniers politiques. La solidarité devient une urgence
Les dernières semaines ont été particulièrement angoissantes pour Miguel Ángel Beltrán et sa famille, car on a d'abord pris connaissance du témoignage d'un agent qui avait travaillé au Mexique pour la DAS (police politique colombienne), lequel avait effectué des filatures du professeur Beltrán et assuré que le professeur ne faisait partie d'aucune "commission internationale des FARC", ce dont l'accusait l'état colombien, mais par la suite son témoignage fut réfuté par la "justice colombienne" sous prétexte qu'il n'était pas oculaire (2). Pour des raisons de sécurité, le témoin mexicain a déclaré devant le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations Unies au Mexique: il a déclaré que Beltrán était innocent et qu'il l'avait déclaré la même chose à la DAS; mais il a obtenu comme réponse de la part de la DAS que Miguel Ángel Beltrán était "un trophée".
Le 4 juin 2011 Miguel Ángel Beltrán, sort libre de ce qu'on peut considérer comme une "séquestration carcérale"; une situation dont ont souffert des milliers de prisonniers politiques et qui dans le cas de Beltrán a duré plus de 2 ans. À de multiples reprises, Miguel Ángel Beltrán a dénoncé la judiciarisation dont il a été une victime, comme un message d'intimidation de la pensée critique; pour empêcher que ne fassent l'objet d'enquêtes, les racines historiques et sociales du conflit social et armé en Colombie. Comme Miguel Ángel l'a souligné dans l'interview de 14 avril 2011 : "La vérité semble dérangeante pour le système" (voir 1). Parmi les "preuves" qui furent grossièrement présentées à l'encontre de Beltrán, étaient ses écrits : en faisant de chaque audition judiciaire une parodie inquisitoriale. Comme Miguel Ángel Beltrán l'a toujours soutenu : la pensée critique n'est pas du "terrorisme".
Dessin de Juan Kalvellido pour la campagne Liberté pour Miguel Ángel Beltrán Villegas, prisonnier politique en Colombie ! lancée par Tlaxcala le 1er septembre 2009
Le jugement de la Cour Constitutionnelle sur l'invalidité des "ordinateurs magiques" devrait aboutir à plus de libérations
Miguel Ángel Beltrán a été libéré grâce au jugement de la Cour Constitutionnelle de Colombie de mai 2011, lequel a invalidé comme "preuves" les "ordinateurs dénommés magiques" que l'état colombien allègue avoir récupérés (3) dans le campement du commandant guérillero Raúl Reyes, bombardé en 2008 par une violation flagrante du territoire équatorien et du DIH : les trois survivants ont raconté comment après le bombardement, les blessés furent achevés à bout-portant par les soldats colombiens, et les autopsies ont confirmé le massacre.
Il y a au moins une centaine de personnes emprisonnées et inculpées sous les "preuves" des "ordinateurs magiques", inculpées d'appartenir ou de collaborer avec les FARC : ces personnes devraient être immédiatement libérées si le jugement de la Cour Constitutionnelle est respectée; mais le Ministère Public que certains appellent "entité inquisitrice" et "appareil de persécution politique" a fait appel de ce jugement.
C'est pourquoi les libérations attendues de par la loi, ne se produisent toujours pas. Parmi les personnes dont la liberté procède de l'application immédiate de la loi, se trouvent le journaliste Joaquín Pérez Becerra, récemment livré au gouvernement colombien par le gouvernement vénézuélien, sans que soit respectée la procédure due à une extradition en règle et en violation du DIH (4); et la sociologue documentariste Liliany Obando, incarcérée depuis presque 3 ans, mère chef de famille, séparée de ses enfants et maintenue en "séquestration carcérale", avec la circonstance aggravante que sa remise en liberté devrait déjà être effective en raison de l'expiration des délais stipulés dans la Loi "sans que l'audience publique ait été terminée, ce qui, selon l'article 365 (paragraphe 15) de la Loi 600 de 2000, constitue une cause de libération par expiration des délais" (Ibid.)
Malgré l'expiration des délais, malgré le jugement de la Cour Constitutionnelle sur l'invalidité des "preuves" des ordinateurs que l'état attribue à Raúl Reyes, Liliany Obando demeure en prison et fait l'objet de constantes sanctions pour avoir assumé dans la prison la défense des Droits de l'Homme des détenues. Il y a d'autres prisonniers et prisonnières politiques dont les inculpations ont été totalement invalidées par le jugement de la Cour Constitutionnelle et qui continuent cependant à être détenus. La dénonciation traverse les murs, selon laquelle Liliany Obando subit de fortes représailles afin d'empêcher que les visiteurs du rassemblement de solidarité avec les prisonniers politiques célébré à Bogotá la première semaine de juin puissent avoir accès à elle : " le Groupe de Réaction Immédiate est entré dans la cour du Bon pasteur et sans aucune explication, il a soustrait de sa cellule la prisonnière politique de conscience LILIANY OBANDO VILLOTA, pour la mettre au secret, ce qui a entraîné des inquiétudes dans sa famille (…)la prisonnière a été déplacé dans une autre cour de plus grande sécurité, éloignée des autres prisonnières politiques" (6). Liliany Obando est privée de liberté depuis le 8 Août 2008.
Dans ses allégations, le Ministère public a considéré que le jugement de la Cour Constitutionnelle a été: "un acte de trahison de la patrie".
La remise en liberté de Miguel Ángel Beltrán s'est faite à contrecœur, dans la mesure où le Ministère public a exprimé son total désaccord avec le jugement de la Cour en alléguant que le jugement serait "trahison de la patrie": c'est ainsi que le rédige Eduardo Umaña Mendoza dela Brigade Juridique: "le Juge a acquitté Miguel Ángel de toutes les charges qui lui ont été injustement reprochées par le Ministère public, lequel d'une manière grotesque dans ses allégations a dit que l'Acte Inhibitoire expédié par l'Honorable Cour Suprême de Justice - Salle de Cassation Pénale le 18 mai 2011 passé, a été" un acte de trahison de la patrie ".
Cela révèle le caractère de persécution politique qu'assume avec acharnement le Ministère public.
Le sociologue Miguel Ángel Beltrán a insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une persécution politique et qu'en Colombie les intellectuels critiques sont accusés d'être des guérilleros, de manière à empêcher le développement de la pensée critique et de la conscience sociale.
Les universitaires sont objet de persécution et de stigmatisation : comme cela est arrivé avec Orlando Fals Borda ou dans des cas plus récents, comme celui du professeur Alfred Correa de Andréis, qui en 2004, après avoir été libéré et sorti de prison a été assassiné par l'appareil paramilitaire.
Beltrán était accusé d'avoir commis un délit de complicité de rébellion aggravée. Il a été capturé le 22 mai 2009 à Mexico, d'où il fut transféré à Bogotá et incarcéré dans la prison La Picota. Après plus de 2 ans d'angoisse et de violation de sa liberté, il sort libre et il doit préserver sa vie de l'appareil paramilitaire, car en Colombie il n'est pas rare qu'une personne, après avoir été libérée des montages judiciaires, finisse assassinée ou fasse l'objet d'une disparition forcée.
Les voix cohérentes et critiques comme celle du professeur Beltrán sont poursuivies par la guerre sale menée par l'état et ses forces para-étatiques, aujourd'hui rebaptisées avec l'euphémisme "BACRIM", dans une tentative de les occulter. Malgré les opérations de maquillage, "Les actions du gouvernement de Santos, pour cacher le para-militarisme" (7), la barbarie continue de s'intensifier au jour le jour, et la force publique, comme l'appareil paramilitaire continuent d'assassiner, de faire disparaître et de massacrer, comme le dénonce, le Mouvement des Victimes des Crimes d'État : "Dans la Politique de Prospérité Démocratique, la persistance des Crimes de Lèse Humanité se cache sous la dénomination de Bandes Criminelles, qui font partie de la nouvelle ingénierie paramilitaire et la fausseté du spectacle des démobilisations. Le pouvoir mafieux, politique et patronal persiste dans les structures paramilitaires. (…) La criminalisation de la protestation sociale continue, la judiciarisation des paysans, étudiants et de défenseurs des Droits de l'Homme, avec la persistance des pratiques de disparition forcée, de violence sexuelle, de contrôle militaire de la vie et de la pensée critique" (Ibid. ).
Colombie, amer 'record' chez des prisonniers politiques : montages judiciaires et conditions de réclusion inhumaines
La Colombie détient le record de prisonniers politiques : 9.500* prisonniers politiques, parmi lesquels au moins 9.000* civils sont emprisonnés sous des montages judiciaires : syndicalistes, maîtres, étudiants, universitaires, paysans, avocats, défenseurs des Droits de l'Homme, écologistes, sociologues, artistes, documentaristes... Celui ou celle qui revendique une justice sociale et qui avance une pensée critique s'exposé à souffrir la répression du régime colombien, et à être judiciarisé(e) sous des montages judiciaires avec des ordinateurs "magiques" ou des témoins payés par la DAS.
Tous les prisonniers et prisonnières politiques sont exposés à subir la torture, des traitements dégradants et se voient refuser l'aide médicale. Une étude dans les centres de réclusion de prisonniers politiques a révélé que la nourriture contenait de la matière fécale de manière systématique. Dans la prison la Tramacúa un drame humanitaire est dénoncé : "les Conditions inhumaines, passage à tabac et torture persistent dans la prison de haute sécurité de La Tramacúa, en Colombie, a assuré Alliance for Global Justice. Les prisonniers sont privés d'eau et la nourriture contient de la matière fécale ou elle est pourrie, selon ce qui a été constaté par la Commission pour les Droits de l'homme des Nations Unies et différentes ONG, et les conditions sanitaires sont déficientes." (8)
La privation d'eau jusqu'a trois jours d'affilé, est une pratique courante dans les centres de réclusion comme celui de Valledupar, à l'intérieur duquel les températures avoisinent les 35-40 degrés; de nombreux prisonniers et prisonnières sont tombés malade à cause de l'eau contaminée et les infections non traitées par refus d'assistance médicale ont même occasionné des décès. Dans les centres de Bogotá et des endroits plus froids, l'une des pratiques préjudiciables à la santé des prisonniers consiste à les baigner avec de l'eau glacée et à les obliger à rester nus dans des cours avec les températures autour de 5 degrés, comme le dénoncent, les prisonniers du centre ERON, dont les pratiques sont inspirées du modèle carcéral usaméricain, qui prévaut en Colombie.
"Conçue pour héberger près de 4000 prisonniers, les installations d'ERON - Bogotá ne remplissent pas les normes minimales établies par les protocoles internationaux pour le traitement des personnes privées de la liberté. (...) on nous oblige à faire nos besoins en public, violant le droit à l'intimité; on dispose de huit douches communes par cour, pour une population de 220 internes. La lumière solaire n'entre jamais au pénal et les conditions d'éclairage et d'aération sont précaires; en dépit des basses températures du pénal, nous n'avons pas de couvertures et elles ne sont pas non plus autorisées à y entrer (...) Pour les déplacements à l'intérieur du pénal, qu'il s'agisse de visites, d'entretiens avec les avocats ou tout autre type de démarches, on nous menotte. L'absence de caméra à l'intérieur des couloirs et des cours, facilite l'accomplissement d'actes illicites de la part des autorités pénitentiaires." (9)
Les prisonniers se plaignent également d'être privés "de l'accès au travail, aux études ou à l'enseignement comme mécanisme de rédemptions peines; ils mettent en évidence que la prétendue "finalité resocialisante" de l'établissement carcéral est une chimère puisqu'à aucun moment des actions protectrices sont proposées pour prévenir ou minimiser les effets du processus d'emprisonnement." (Ibid)
La situation des mères chefs de famille, prisonnières politiques, est dramatique, puisque l'une des tortures employées par l'autorité de la prison INPEC est d'exercer un chantage à la restriction des visites de leurs enfants et de les menacer de mettre leurs enfants à l'orphelinat si elles ne se plient pas totalement aux exigences qui peuvent leur laisser l'opportunité de postuler pour une remise en liberté ; et si les mères chefs de famille n'ont pas de proches pouvant s'occuper de leurs enfants et lorsqu'en violation de leurs droits constitutionnels leurs peines sont prolongées, il arrive malheureusement que les petits soient envoyés dans des établissements de l'état.
Les prisonniers politiques sont soumis à des passages à tabac réitérés et sont même obligés de partager les cours remplies de paramilitaires, dans lesquelles on les confine, y compris en les isolant des autres prisonniers politiques, avec une intention évidente d'attenter à leur vie et à leur intégrité physique. Plusieurs d'entre eux ont été assassinés dans ces circonstances, bien que cette mise en danger de leur vie par leur mise en présence avec des paramilitaires ait été dénoncée dans maintes occasions. Les prisonniers politiques sont également exposés à la mort par des maladies et des infections provoquées par l'alimentation adultérée et les conditions d'insalubrité qu'ils subissent dans les prisons : dans des états avancés de maladie l'aide médicale leur est refusée. Rien qu'en 2011, 5 prisonniers politiques sont morts dans les prisons colombiennes à la suite de tortures. (10)
En ce sens, le témoignage du prisonnier politique et de guerre Diomedes Meneses est représentatif : l'état lui a sorti un œil avec un couteau, ils se sont acharnés sur lui, avec toute l'humanité dont ils savent faire preuve jusqu'à le laisser paralytique, ils l'ont égorgé et l'ont envoyé à la morgue dans un état de catalepsie, puis constatant qu'il était toujours vivant, ils ont essayé de l'assassiner. Ils se sont obstinés contre lui, laissant pourrir sa jambe gangrénée sans aucun traitement (Voir la vidéo du cas de Diomedes Meneses).
  • La solidarité internationale avec les 7.500 prisonniers politiques colombiens est une urgence. Pour diffuser une information ou se rallier à la campagne de solidarité : http: // www.traspasalosmuros.net et www.arlac.be
Chroniques de l'autre baraque, Miguel Ángel Beltrán: une voix que même les barreaux n'ont pu faire taire
Miguel Ángel Beltrán: " La toile de fond des écrits que je présente dans mon livre" Chroniques de l'autre baraque " est le conflit armé et social qui secoue la Colombie depuis plus d'un demi-siècle et qui a eu pour le pays un coût très élevé économiquement, socialement et particulièrement en vies. Il a eu des épisodes de confrontation militaire intense, mais aussi des dialogues, qui n'ont malheureusement pas réussi à se cristalliser dans des accords capables d'éradiquer les racines mêmes qui ont alimenté cette guerre fratricide. Dans ce sens, je considère que la libération récente d'hommes politiques et de militaires retenus par les FARC est un signal envoyé par cette organisation armée susceptible de créer les conditions pouvant rendre possible un dialogue entre la guérilla et l'État. Cependant, je ne perçois pas une vraie volonté de paix de la part du président Santos qui, malgré un style de gouvernement différent de son prédécesseur, continue à privilégier une sortie militaire.
Lorsque le président affirme que "la porte de la paix n'est pas fermée", mais que pour l'ouvrir, la guérilla doit cesser son activité militaire, remettre les armes, etc.., en réalité il dit aux Colombiens que la guerre va continuer. Comment s'attend-il à ce que les FARC, après plus de 46 ans, démobilise ses hommes et livre ses armes pour de vagues promesses de paix? Surtout  quand on est en face d'un État qui a systématiquement failli à ses accords. Il suffit de jeter un coup d'œil à l'histoire Colombienne : depuis la livraison de Guadalupe Salcedo, sous le gouvernement militaire de Rojas Pinilla, jusqu'aux accords les plus récents (…) le manquement a été une constante. "(11)
La pensée critique:
"La pensée critique est, selon ma façon de voir, une condition fondamentale du travail académique et intellectuel : elle nous offre la possibilité d'analyser et d'examiner la réalité depuis une perspective différente de celle des idées dominantes (…) La pensée critique a été le moteur indispensable pour la progression de l'humanité, mais elle n'a pas parcouru un chemin linéaire et a dû faire face aux pouvoirs institués, dont l'intérêt était de montrer une vérité unique. (…) Dans un pays comme le nôtre, traversé par un conflit interne séculier, l'exercice de la pensée critique devient encore plus nécessaire. Nous, sociologues, avons l'engagement éthique et politique de faire surgir ces réalités que la pensée hégémonique tente d'occulter.
Il s'agit de vérités qui dérangent le système et que celui-ci essaie de gommer, en poursuivant et criminalisant ceux qui essaient de les chercher. Aujourd'hui, ceux qui font des lectures critiques de la réalité sociale sont publiquement marqués comme 'terroristes', mais très certainement demain ces aspects de la réalité seront à découvert et on reconnaîtra les dimensions d'une confrontation armée et sociale que les gouvernants en place s'entêtent à réduire à une 'menace terroriste. "(Ibíd.)
Le professeur Miguel Ángel Beltrán est une voix nécessaire pour le peuple colombien, ainsi que les 9.500* voix emprisonnées sous des montages judiciaires.
Notes
(1) Miguel Ángel dans l'entretien 14 avril 2011, "La vérité est dérangeante pour le système" http://www.traspasalosmuros.net/node/360
(2) Le témoin qui a travaillé pour la DAS au Mexique, a déclaré que Miguel Ángel Beltrán était innocent; la DAS et le Ministère Public ont occulté ce rapport; et ensuite, après que le témoin ait réapparu appuyé par le bureau des Droits de l'Homme, la 'justice' colombienne a rejeté l'utilisation de cette preuve.
(3) Toutes les procédures judiciaires s'appuyant sur les "ordinateurs magiques" s'effondreraient: La Cour Suprême de Justice a disqualifié les documents bombardés comme preuve, concernant les ordinateurs.http://www.rebelion.org/noticia.php?id=128769&titular=la-corte-suprema-de-justicia-descalifica-los-archivos-del-bombardeado-computador-como-pruebas-
(4)Joaquín Pérez Becerra, journaliste:
Au cours de l'audience d'accusation formelle devant un juge à Bogota, les Avocats ont demandé l'annulation de la procédure exercée l'encontre de Joaquín Pérez Becerra, directeur de l'agence Anncol. 
À la suite de la livraison illégale de Joaquín Pérez Becerra : "Llamando a la ternura, entre traiciones, censuras y persecución". http://www.rebelion.org/noticia.php?id=128568
(5)Liliany Obando sociologue, documentariste et syndicaliste
LE JUGE DÉNIE ARBITRAIREMENT LE DROIT À LA LIBERTÉ DE LILIANY PATRICIA OBANDO VILLOTA, PRISONNIÈRE POLITIQUE COLOMBIENNE. Bien que: “Depuis la date à laquelle l'instruction a été qualifiéjusqu'à aujourd'hui deux (2) ans et vingt (20) jours se sont écoulés sans que l'audience publique ne se soit achevée, ce qui, selon l'article 365 de la Loi 600 de 2000, constitue une raison de remise en liberté par expiration du délai". http://www.traspasalosmuros.net/node/370
(6) S.O.S Liliany Obando, dénoncent représailles à son encontre, déplacement et isolement:
(7)  "Des conditions inhumaines, tabassage et torture persistent dans la prison de haute sécurité de La Tramacúa, en Colombie, a assuré Alliance for Global Justice. Les prisonniers sont privés d'eau et la nourriture contient de la matière fécale ou elle est pourrie, comme l'a constaté la Commission pour les Droits de l'homme de Nations Unies et différentes ONG; les conditions sanitaires sont déficientes"
À La Tramacúa, pénitencier de haute sécurité de Colombie, la situation s'aggrave.
Quotidien "La Jornada"
Mardi 17 Mai 2011
“La Tramacúa”: l'Abu Ghraib de Colombie”. Première partie d'une série sur la répression conçue par les USA dans le système pénitentiaire colombien James Jordan / Vendredi 20 août 2010
Leandro en avait assez de manger des excréments à la prison et il s'est suicidé aujourd'hui
 (8) "Les actions du gouvernement de Santos, pour cacher le para-militarisme" (…), le Mouvement de Victimes de Crimes d'État dénonce: "Dans la Politique de Prospérité Démocratique, la persistance des Crimes de Lèse Humanité se cache sous la dénomination de Bandes Criminelles, qui fait partie de la "réingénierie" paramilitaire et l'hypocrisie du spectacle des démobilisations. Le pouvoir mafieux, politique et patronal persiste dans les structures paramilitaires. (…) la criminalisation de la protestation sociale, la judiciarisation de paysans, d'étudiants et de défenseurs des Droits de l'Homme, perdure, en même temps que se poursuit la pratique de la disparition forcée, des violences sexuelles, du contrôle militaire sur la vie et la pensée critique".
(9) Ils dénoncent les tortures à la prison ERON http://www.traspasalosmuros.net/node/448
(10) Déjà 5 prisonniers politiques sont morts en 2011 dans les prisons colombiennes par refus d'assistance médicale.
Il y a environ 500 prisonniers politiques et de guerre, et 7000 prisonniers politiques dans les prisons du régime colombien; la torture est dénoncée comme une pratique fortement récurrente à l'encontre de ces
7.500 prisonniers politiques.
(11) (1) Miguel Ángel dans l'entretien 14 avril 2011, "La vérité est dérancgeante pour le système" http://www.traspasalosmuros.net/node/360





Gracias a: Tlaxcala
Fuente: http://azalearobles.blogspot.com/2011/06/libre-miguel-angel-beltran-faltan-7500.html
Fecha de publicación del artículo original: 05/06/2011
URL de esta página en Tlaxcala: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4992